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🌟 Marije Vogelzang : réinventer l’alimentation.
Si bon nombre de chercheurs s’autoproclament “food designers”, Marije Vogelzang ne l’entend pas tout à fait de cette oreille : pour elle, les aliments sont déjà merveilleusement designés par Dame Nature. Voilà pourquoi la chercheuse néerlandaise se revendique sur son site internet comme une “eating designer” dont la mission consiste à explorer l’art de manger.
Son projet “Fake Meat” en est un parfait exemple. Alors que la viande in vitro gagne en notoriété et que fleurissent les substituts à base de soja ou d’algues, nombreux sont ces types de produits à revêtir la forme de cuisses de poulet, steak haché ou nuggets. Autant d'imitations de ce qu’on peut trouver au rayon boucherie… Le problème ? Dès lors qu’existe la notion de “copie”, la connotation d'un produit change. Comprenez : la valeur authentique de l’original a plus de valeur que son ersatz. Pour Marije Vogelzang, la valorisation de ces solutions alternatives résiderait dans la faculté à développer de nouveaux récits. Le jambon noir AOP de Bigorre est réputé pour la qualité de ses cochons ? Qu’à cela ne tienne : la chercheuse imagine un bestiaire autour des protéines végétales.
“Mes animaux fantastiques ont un habitat, un mode de vie et un régime alimentaire. Ces facteurs influencent les notions de conception et de goût. Le Ponti, par exemple, vit dans les cratères volcaniques et grignote les cendres : voilà pourquoi sa “viande” est délicatement fumée (...) L'Herbast, lui, vit dans les champs d'herbes aromatiques du sud de la France et doit se camoufler pour se protéger des prédateurs. Cet animal de forme carrée fait pousser des herbes sur sa peau, comme une fourrure : sa “viande” est donc naturellement pré-assaisonnée."
Un sens de la fiction que Marije Vogelzang n’hésite pas à développer dans ses autres travaux. Selon plusieurs études scientifiques, une personne aurait besoin de goûter en moyenne sept fois un produit avant d’en intégrer la saveur. Or, l’injonction à goûter un nouvel aliment - notamment un légume - peut s’avérer un cauchemar pour les plus petits… La chercheuse a donc voulu rendre ce procédé plus ludique. Son idée ? Proposer aux enfants d’utiliser leurs dents pour créer des “bijoux de légumes”.
Ainsi, en modelant des formes à l’aide de leur bouche, les petits goûtent encore et encore. Les premiers ateliers mis en place semblent avoir porté leurs fruits alors que les parents des jeunes participants ont fait état de résultats positifs sur l’alimentation de leur progéniture. Cet exemple n’est pas sans évoquer le travail de la “sensory food designer” Laila Snevele dont le jeu de société incite inconsciemment les enfants à privilégier les fruits et les légumes aux bonbons.
👀 DTC : le carré VIP.
En 2015, le studio Lernert & Sander - commissionné par le média néerlandais deVolkskrant - livrait sa version alimentaire du cubisme. En 2017, ce fut au tour de Cédric Grolet de proposer sa propre version de ce courant artistique avec son Rubik's Cube pâtissier. Depuis, force est de constater que le phénomène s’industrialise de façon étonnante. Focus sur quatre marques férues de géométrie.
Daily Harvest. Lancé en début d’année, ce service de repas par abonnement surprend par le conditionnement de son offre de lait végétal : “Mylk” se présente sous forme de triangles et de cubes congelés auxquels il suffit d’ajouter de l’eau pour obtenir sa boisson. L'intérêt est évident, entre gain de place, dosage anti-gaspi et conservation longue.
Squareat. Si, à première vue, ces petits pavés peuvent être confondus avec des substituts de repas, c’est pourtant loin d’être le cas : chaque Square est composé à partir d'ingrédients 100% naturels préparés à basse température afin de conserver les nutriments, sans ajout de conservateurs. La marque communique sur des saveurs authentiques, revisitées dans un format original et concentré. Cerise sur le cube ? Un positionnement éco-responsable : les carrés sont emballés sous vide dans un sachet biodégradable exempt de BPA et sont livrés dans une boîte en carton compostable conçue pour optimiser l'espace.
Slice of Sauce. Aperçue sur les plateformes de crowdfunding il y a quelques années, la marque a de nouveau fait parler d’elle en début d’année dans l’émission de téléréalité américaine Shark Tank. Slice of Sauce entend réinventer la façon de consommer le ketchup en le présentant sous la forme de fines feuilles carrées à glisser au cœur des sandwichs. Un concept déclinable à toutes les sauces, littéralement.
Herb & Lou’s. Dotés d’un packaging haut en couleurs, ces petits cubes congelés entendent bien donner du peps à vos cocktails. Le concept séduit également d’autres catégories de boissons alors que des marques comme Teaspressa proposent des variantes pour dynamiser vos coupes de champagne, vos choppes de bière, mais aussi votre courge latte et votre chocolat chaud. Un nouveau rituel ?
À retenir. Le format cube fait un tube et inspire une offre à géométrie variable avec, également, les feuilles de thé en forme de coeur ou d’étoile Tea Drops, les pastilles pour eau waterdrop, ou encore Cometeer, des pods de café surgelés qui font fureur outre-Atlantique auprès des Millennials et de la GenZ.
🎄Hot(te) Food : quels cadeaux sous le sapin ?
Si l’offre alimentaire reste un incontournable des présents de fin d’année, quelles tendances sont susceptibles de se dégager cette année ? Nous avons étudié les requêtes Google à travers le monde pour observer les nouveaux incontournables qui, dès 2020, ont montré des signes de croissance.
Les box et les snacks ont la cote. La requête “snack gift basket” a été tapée 12,1K en décembre 2020, soit plus du double par rapport à décembre 2019. Même dynamique pour “Snack box gift” qui, avec ses 22,1K requêtes en décembre 2020, a été multipliée par 20 par rapport à 2019 ! De manière générale, les abonnements à des box alimentaires sont eux aussi en hausse avec 33,1K requêtes en décembre 2020 VS 18,1K en décembre 2019. Dans ce contexte, pas étonnant que l’offre se renforce, à l’image de la très healthy My Snack Box (France) ou de la curation opérée par Pop Up Grocer (USA). Le phénomène ne laisse pas insensible le monde de la grande distribution alors que, sur son blog, Whole Foods Market a profité d’un éditorial présentant ses 10 tendances food pour commercialiser une box associée. Deux semaines après son lancement, l’offre affichait déjà sold out.
La personnalisation, une valeur sûre. Si elle peut revêtir plusieurs facettes plus ou moins poussées, la personnalisation food a le vent en poupe. Des biscuits Shanty aux M&Ms personnalisés, la cadence s’accélère… encore plus au moment des fêtes de fin d’année. Ainsi, le packaging des tablettes Cadburry peut désormais être customisé avec le message de votre choix alors que la requête “Personalized chocolate” a cumulé à elle seule 40,5K en novembre et en décembre 2020, soit presque le double par rapport à décembre 2019. Pour les amateurs de DIY, sachez qu’il existe également des moules et des emporte-pièces modélisés à partir d’une photo d’un proche et imprimés en 3D. Cette marque sur Etsy en a vendu plus de 3.000.
Mais aussi… En panne d’inspiration ? Peut-être ajouterez-vous à votre liste de Noël un panier garni vegan alors que ce type de produit a généré 33,1K requêtes en décembre 2020, soit le double de 2019. Dans tous les cas, l’insolite reste de mise alors que “unique food gifts” a généré 5,4K en novembre 2020, sans compter les nombreuses variantes sémantiques.
Signaux Forts.
⭐ Innovations de 2021, incontournables de 2022 ?
Foodboro, une communauté américaine dédiée aux tendances food, vient de lancer un concours afin d’élire les marques les plus innovantes de 2021. Si les heureux gagnants n’ont pas encore été dévoilés, les nominés pourraient-il inspirer de nouvelles routines alimentaires pour 2022 ?
Dès janvier, vous pourriez ainsi accompagner vos résolutions sportives de quelques gorgées de Superfrau!, une boisson fonctionnelle formulée à partir du lactosérum, le petit lait obtenu durant la fermentation des yaourts et des fromages et généralement jeté. Ici, la marque l’infuse avec des arômes naturels pour en faire un breuvage pétillant, riche en nutriments et en électrolytes. De quoi accompagner votre After Bar, une barre végane à base de CBD conçue pour récupérer à la suite d’un effort. Durant votre pause déjeuner, peut-être vous laisserez-vous tenter par la street food chinoise de Xiao Chi Jei. À moins que vous optiez pour un plat relevé d’aromates Enspice - enrichies en vitamines et minéraux -, de coulis artisanaux Howl at the Spoon ou d’une vinaigrette aux probiotiques Lolli. Le temps presse ? Vous pourrez toujours vous rabattre sur la barre de salade Undressed, déjà assaisonnée. En guise de dessert, préparez-vous à tester la glace au blender True Scoops accompagnée d’un paquet de Faves - des “candy climates” low sugar à base de fruits - ou d’une tranche de pain garnie de Banzo Butter, une pâte à tartiner aux pois-chiche. Ou, pourquoi pas, d’un bol de flocons d’avoine à base de fruits et légumes Oats in Coats saupoudré de paillettes pour céréales Off Limits. Le tout à agrémenter d’une tasse de café Atomo - un café sans graines né d’un procédé unique d’upcycling - et d’une barre Mosh, garantie 100% zen attitude.
🍠 Innovations : les chips ont la patate !
Le marché français des chips s'est élevé à 2,19 milliards d'euros en 2019, en hausse de 3% en volume et de 2.6% en valeur. Que l’on parle des versions traditionnelles, premium ou aromatisées, la chips continue à grignoter des parts de marché à travers trois grandes catégories :
Les chips de légumes : Radis, panais, carottes, lentilles, pois-chiche, kale, betteraves… l’offre est pléthorique, à l’exemple de Eat Real qui se targue d’être 40% moins grasse, végan, sans gluten, ni additifs. Issues de la raw food, les
chips crues à partir de légumes déshydratés connaissent également un certain essor, de même que leur alternative en DIY grâce à l’engouement des communautés TikTok pour les friteuses à air. Citons également les “mushroom jerkys”, une variante du bœuf séché “jerky beef” à base de champignons. Ces chips d’un nouveau genre ont vu leur popularité exploser depuis leur présentation au sein de l’émission Shark Tank, fin 2020. La marque du moment ? Pan’s Mushroom Jerky.
Des chips “healthy”. Le terme s’avère assez générique pour un segment qui se renouvelle et revêt des formes différentes. Moins de sel, méthodes de cuisson moins grasses, alternatives à la pomme de terre, recettes bio voire “keto”... le champ des possibles - et des saveurs - est vaste. En France, Too Good, distribué en grandes surfaces, propose par exemple des snacks de soja et de pomme de terre poppés, sans friture. À noter également, la multiplication de chips pour les sportifs, riches en protéines.
Des chips éco-responsables. Souvent liée à un argumentaire healthy, cette catégorie cumule donc deux arguments de choc. Plusieurs marques sortent du lot : Good Fish par exemple, propose des chips de saumon sauvage riches en protéines, en oméga 3 et en collagène marin, composante star de la beauty food. Good Fish s’inscrit dans la catégorie des offres dites “upcycled” en utilisant la peau du poisson qui, dans d’autres circonstances, aurait fini à la poubelle. La marque mise sur un produit fabriqué en très peu d’étapes et sur du saumon issu de pêcheries responsables. Spudsy, de son côté, commercialise des snacks à base de patates douces retirées des circuits de vente en raison de leurs imperfections. Citons également les chips d’algues de 12 Tides qui reverse 1% de ses bénéfices à la restauration des forêts de varech en Californie.
What’s next ? En plus de la notion d’éco-responsabilité, on devrait rapidement voir émerger une offre de chips dite “fonctionnelle”. Et ce, même si l’argument semble quelque peu antinomique avec ce type de produits… Bientôt des snacks pour palier aux troubles hormonaux ? Ou enrichis en adaptogènes ou CBD pour un mental plus zen ? Les paris sont lancés.
Signaux Faibles.
RESTES in Peace
Alors que 811 millions de personnes souffrent de la faim, 17% de la nourriture produite à travers le monde est gaspillée. Un paradoxe terrible que l’ONU appelle à combattre au nom de la sécurité alimentaire et de l’éco-responsabilité. Si les gouvernements réglementent de plus en plus le sujet à travers des mesures concrètes - à l’image de la Loi Garot en France -, plusieurs entreprises ont décidé de s’attaquer à cette problématique. Too Good to Go, par exemple, met en relation ses utilisateurs avec des professionnels de l’alimentation - épiceries, boulangeries, restaurants… - afin de proposer des invendus à prix réduits. Leader sur le marché, cette application a été téléchargée plus de 500K fois en novembre dernier, rien que sur IoS.
“Rien ne se perd, tout se transforme” : un mantra de plus en plus présent dans l’esprit des consommateurs. Sur Reddit, le subreddit r/zerowaste dédié à la valorisation des déchets compte 658K membres, le double d’il y a un an. Sur ce réseau social, les conversations plus ciblées émergent, comme le subreddit r/noscrapleftbehind où 10K membres partagent leurs recettes. Parmi les derniers sujets en date, on retrouve ainsi un concours de bouillons à partir des restes de dinde de Thanksgiving.
En mars dernier, IKEA Canada dévoilait également The Scrapsbook, un recueil de 50 recettes anti-gaspi en accès libre avec, entre autres, un étonnant gâteau à base de peaux de bananes. Parmi les autres signaux, citons l’engouement autour d’influenceurs comme Anne-Marie Bonneau, aka @ZeroWasteChef, qui compte 192K abonnés sur Instagram et fait la pluie et le beau temps avec ses astuces 100% récup’.
Le sujet passionne également les food designers comme Elzelinde van Doleweerd qui a consacré son projet de fin d'études en design industriel à la valorisation des déchets. Aux Pays-Bas, les aliments les plus gaspillés sont le pain, les produits laitiers, les légumes et les fruits : dans le cadre de son initiative “Upprinting Food”, l’experte a mis au point un concept permettant de transformer ces restes en de nouveaux produits et de nouvelles saveurs grâce à une imprimante alimentaire 3D.
Demain, mangerons-nous les restes de la veille sublimés par ce type de procédé ? Le pas est déjà franchi par le restaurant australien Re et ses menus zero waste.
Stickers sur les fruits et légumes : To be or not to be?
En février 2020 a été adoptée la loi anti-gaspillage en faveur d’une économie plus durable. Parmi les objectifs : la fin du plastique jetable, la réduction des déchets ou encore les efforts en matière de recyclage. Dans ce contexte, l’interdiction des autocollants non compostables sur les fruits et légumes vendus en France devrait entrer en vigueur dès le 1er janvier prochain.
Si bon nombre d’industriels grincent des dents à l’approche de cette deadline, voilà pourtant plusieurs années que l'Union européenne a approuvé l'utilisation d'oxydes et d'hydroxydes de fer pour apposer des marquages au laser sans pénétrer la peau des végétaux. Des sociétés telles que Laser Food en Espagne ont développé leur offre sur ce créneau. Mais pour les puristes du bio, la nature chimique de ce procédé dérange. Aux Pays-Bas, Eosta - leader sur le marché européen des produits frais - a ainsi lancé son propre système de tatouage “naturel” au laser.
Faut-il pour autant envisager une disparition totale des stickers ? Pas forcément alors que se développe une nouvelle génération d’autocollants aux vertus anti-gaspi. Citons ainsi Ryp Labs - anciennement StixFresh - dont les stickers permettent d’allonger la durée de vie des fruits en ciblant certaines maladies spécifiques. “Tout comme la lavande exhale son parfum à distance, nos autocollants libèrent des métabolites secondaires pour créer une barrière protectrice autour du fruit” explique Moody Soliman, fondateur de la marque. De son côté, Apeel a breveté un film végétal et biodégradable “seconde peau” : vaporisé sur les légumes, il permet de doubler voire tripler leur durée de vie. Et parfois, le sticker peut se faire connecté alors que The Nudge Tag rappelle au consommateur la nécessité d’utiliser tel ou tel produit à l’approche de sa date de péremption.
Brèves de comptoir.
Les glaces du monde prennent le large. Comme le rapporte le média Magma : Vegan, low sugar, boostées en collagène ou en CBD, revisitées version “night food”... Les crèmes glacées sont loin d’avoir dit leur dernier mot et misent désormais sur l’exotisme pour séduire. Vous connaissiez les mocchis ? Préparez-vous à l’arrivée du Kulfi. À base d’épices comme la cardamome ou le safran, cette glace indienne est réputée pour ses propriétés digestives et a généré une moyenne de 151K requêtes par mois en 2021- soit le double qu’il y a trois ans - avec des pics à 301K en mars dernier. Les paletas mexicaines font également de plus en plus parler d’elles, tout comme l’Es Doger, un dessert originaire de l'ouest de Java à mi-chemin entre le bubble tea et la coupe glacée.
Les services de repas à domicile entament leur segmentation. L’américain WeTheTrillions propose des repas axés sur le microbiote pour mieux répondre à différentes problématiques santé. Pour environ 200 dollars par semaine, il est désormais possible de se faire livrer des repas spécifiquement pensés pour les règles douloureuses, la fertilité, la ménopause, l’anémie, le syndrôme du colon irritable ou encore le diabète. Considérations santé, facilité d’accès, personnalisation : un trio gagnant sur le plateau.
Delli sort sa beta. De quoi s’agit-il ? D’une marketplace et une plateforme communautaire qui entend contribuer au “clivage de plus en plus flou entre la salle à manger et le restaurant, accéléré par la pandémie de Covid-19.” L’interface se veut également valoriser les communautés et les commerces de proximité en proposant des drops en série limitée, des chefs de restaurant aux cuisiniers à domicile.
La Defictionalisation continue. Le studio de cinéma indépendant A24 vient de lancer Horror Caviar, un ouvrage de recettes et d'essais inspirés par des films d’horreur tels que Midsommar, The Shining ou encore The Witch. Plus original encore, le livre “Leaked Recipes” compile 52 recettes liées aux plus grandes affaires de piratage informatique de l’histoire contemporaine.